Cluny Lectures: Compte rendu da la 4e rencontre

Le groupe de lecture de Cluny s’est réuni pour la quatrième fois cette année pour parler de deux premiers romans abordant plus des aspects de l’Église catholique que la foi. L’action de Lucie ou la vocation prend place dans un couvent de l’époque contemporaine ; Possédées apporte un éclairage politique à des événements historiques du 17e siècle. Ralf Böckmann nous a largement fait profiter de ses connaissances d’historien pour mieux comprendre le contexte de l’époque. Les deux intervenantes étaient Ulla Eckford-Jones pour Lucie ou la vocation et Marietta Schulz pour Possédées (cf. les comptes-rendus de lecture ci-dessous).

Notre prochaine rencontre aura lieu le 13 juin chez Irène Drexel-Andrieu. Gisela Maibaum-Busecke a proposé de présenter Algèbre de Yan Pradeau (2016, Allia) et Fried Normann nous parlera de Un marin chilien de Agnès Mathieu-Daudé (2016, Gallimard). Nous prendrons ensuite nos « grandes vacances » en juillet et août et nous retrouverons en septembre pour examiner le reste de notre sélection de 2017.


Lucie ou la vocation, Maelle Guillaud, roman, 2016, Héloïse d’Ormesson

Ma première pensée fut « Mon Dieu, je ne suis pas croyante ni personne dans ma famille non plus ! » Mais quand j’ai commencé à le lire, j’ai trouvé ce livre fascinant et je l’ai lu comme un polar. Lucie ou la vocation est un roman passionnant et très bien écrit, ce qui n’est pas étonnant quand on apprend que l’auteure est éditrice.

Le thème du livre n’est guère la religion. Il commence en nous présentant la compétition entre étudiants et dans le monde du travail, telle qu’elle est un peu partout dans le monde de notre époque. Le harcèlement existe non seulement à l’école et au travail mais aussi au couvent comme Maelle Guillaud nous en informe. Quand Lucie est encore étudiante, sa grand-mère lui dit : « Ce n’est pas humain ce qu’ils vous demandent ». Lucie se tourne alors vers le divin. Comme beaucoup de jeunes gens, elle cherche quelque chose d’autre, la paix et le silence qu’elle espère trouver au couvent. Après avoir rejoint les sœurs, Lucie explique à sa meilleure amie, Juliette, qu’elle a trouvé un sens à sa vie. En khâgne, elle avait fait la connaissance de Mathilde qui lui avait montré le chemin du couvent. Les deux jeunes filles se retrouvent effectivement au couvent, mais là, Mathilde s’occupe seulement de sa propre carrière et ignore Lucie. Le seul soutien de Lucie au monastère semble être le père Simon, un ami d’enfance de son père décédé.

La vie au couvent n’est pas du tout ce que Lucie avait espéré. La moindre désobéissance est sanctionnée par des punitions sévères. La mère supérieure est une intrigante et fait régner une atmosphère de peur, aidée de son chien méchant, un doberman. A la fin du livre, on découvre que la prieure est malhonnête : elle a détourné de l’argent de la congrégation pour s’acheter un appartement où elle veut passer ses dernières années. Mathilde sera chassée du couvent à cause de ses intrigues. Lucie est choquée, elle pense à quitter le voile, elle a perdu la foi. C’est alors que le père Simon lui annonce que, sur sa recommandation, le nonce veut la nommer prieure. Lucie est bouleversée, que doit-elle choisir ? Elle ne sait rien faire puisqu’elle n’a pas terminé ses études, comment pourra-elle se débrouiller dans la vie civile ? Elle peut compter sur le soutien de Juliette et de sa mère mais elle doute que cela suffise. A la fin du roman, on comprend que Lucie a retrouvé ses ambitions d’autrefois, la position de prieure la tente.

Certains aspects de la vie cloîtrée semblent difficiles à croire, mais Maelle Guillaud nous apprend que son roman est basé sur l’expérience de l’une de ses proches. Le rôle du père Simon est équivoque. Que cherche-t-il vraiment ? Aider Lucie ou avoir de bonnes relations avec le nonce ? Comme toujours dans la vie, il faut avoir de bonnes relations, du piston pour avancer plus vite et plus facilement. Intra-muros ou extra-muros, l’échelle de carrière est la même !


Possédées, Frédéric Gros, roman, 2016, Albin Michel

L’auteur, Frédéric Gros, est né en 1965. Il est professeur de pensée politique à l’Institut d’études politiques de Paris et aussi à l’Université Paris-Est-Créteil-Val de Marne. Il est essayiste, philosophe et a déjà publié plusieurs livres dans sa spécialité.

Possédées est son premier roman, roman historique basé sur des événements authentiques qui ont inspiré au cours des siècles aussi bien des historiens que des cinéastes et des écrivains. L’action se déroule au début du 17e siècle, sous le règne de Louis XIII et de Richelieu, donc aux temps des guerres de religion.

Loudun, ville située dans le Poitou, ville forte abritant autant de catholiques que de huguenots, constitue le principal décor de l’action. Jeanne des Anges, mère supérieure du couvent des ursulines, montre tout d’un coup des signes de folie et se dit possédée par le diable. Son corps se tord en convulsions extrêmes, elle hurle et professe des insultes, des blasphèmes. Elle écarte les jambes, caresse ses seins, gémit en susurrant des mots sexuels. Bientôt, les sœurs du couvent suivent son exemple et se disent aussi possédées par le diable. Le coupable de tous ces phénomènes est vite trouvé : Urbain Grandier, curé catholique de la ville mais qui entretient de bonnes relations avec les huguenots, jeune, beau, intelligent, séduisant, qui aime les femmes et s’est déclaré ouvertement adversaire du célibat en le manifestant dans un essai. C’est le bouc- émissaire idéal. Autour de cette possession diabolique se trament des complots politiques et des querelles personnelles.

L’auteur a essayé de créer un équilibre entre la dimension historique et celle du romanesque. En lisant ce roman, le lecteur ne peut que se poser la question de savoir s’il s’agit d’une pure comédie ou d’une psychose collective qui met toute une société en danger. Et surtout il est intéressant de voir combien un tel délire est instrumentalisé par la politique.

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