Cluny Lectures: Compte rendu de la 6e rencontre du 12 septembre 2017

Cluny Lectures a fait sa rentrée littéraire, en septembre comme il se doit ! Les sept membres présents et présentes se sont retrouvé(e)s chez Ulla Eckford-Jones pour présenter et commenter deux nouveaux romans aux styles diamétralement opposés : l’un suggérant une quête-enquête plutôt intellectuelle, Comme Neige (Cf. ci-dessous le compte rendu de Ralf Böckmann), l’autre ancré dans l’Histoire et l’action, Today we live, si, si, un roman français auquel l’auteure a choisi de donner un titre anglais pour des raisons qui nous échappent (cf. ci-dessous le compte rendu de Ute Budelmann). Ce qu’il y a d’enrichissant dans nos appréciations, c’est qu’elles divergent en fonction de nos goûts et de nos personnalités.

Notre saison de lecture 2017 tire à sa fin. Nous nous retrouverons le 14 novembre 2017 chez Ralf Böckmann pour passer une dernière fois en revue toutes nos lectures, 12 en tout, en faire une évaluation finale et choisir notre lauréat(e) de l’année.


Comme neige, 2016, Colombe Boncenne, Buchet Castel

Lors d’une excursion en Bourgogne, Constantin Caillaud, le narrateur du roman, trouve un livre inconnu d’Émilien Petit, un auteur qu’il croit pourtant bien connaître. Il achète l’œuvre intitulée Neige noire et la dévore la nuit même. Comme dans la plupart des romans d’Émilien Petit, la frontière entre le réel et l’imaginaire se brouillait et l’on n’était plus certain de rien. (…) Quelque chose dans ces romans me touchait beaucoup – une manière de traiter l’amour par l’étrange, de construire des histoires envoûtantes à la frange du vraisemblable, mais l’essentiel semblait se dérober, s’échapper. Ces deux citations résument assez bien le contenu de Comme Neige. La littérature tombe comme de la neige nous dit Colombe Boncenne, la neige qui peut recouvrir, ensevelir un paysage, qui sait l’embellir et le faire scintiller, mais est aussi en mesure d’aveugler le spectateur. Quand elle fond, elle devient grise et sale.

Voulant faire partager sa trouvaille, Constantin Caillaud découvre que non seulement Neige noire est inconnu des libraires comme de l’éditeur de l’auteur, mais que de plus l’ouvrage a disparu de sa propre maison. À partir de ce moment-là, le livre pourrait s’intituler « À la Recherche du livre perdu », car le retrouver devient le centre de l’action. La suite du roman est une sorte de polar dans le monde de l’édition. L’intrigue est menée comme celle d’un roman policier, on y retrouve de nombreux éléments caractéristiques : enquête et recherche des suspects, fausses pistes, suspense, énigmes, mystères. Il y a même du surnaturel. Élément de polar moderne, à la fin il reste encore des mystères, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de solution.

Comme Neige est un roman sur un roman, sur la naissance lente du livre, un récit doublement romanesque sur la création littéraire dans le monde contemporain de l’édition. C’est aussi un petit miroir de ce monde. Colombe Boncenne travaille depuis 2000 dans l’édition, en connaît toutes les ficelles, les intrigues, les vanités et les procédés pour se faire connaître et s’y faire remarquer.


Today we live, 2015, Emmanuelles Pirotte, Cherche -midi

Emmanuelle Pirotte est scénariste. Tiré d’un scénario, Today we live est son premier roman. Il a obtenu un grand succès en France, reçu une dizaine de prix, et a été traduit et édité dans 13 pays. Il vient de sortir en allemand aux Éditions S. Fischer (Heute leben wir). L’auteure s’est inspirée de l’histoire de ses grands-parents qui avaient caché une fillette juive pendant la Seconde Guerre Mondiale.

1944, dans les Ardennes, en Belgique, occupées par des troupes allemandes. Les Alliés sont en train de gagner du terrain. Renée, une petite orpheline juive de sept ans, est confiée à deux soldats américains, en réalité des soldats allemands. Ici il faut mentionner le contexte historique du roman, l’opération Greif de la Waffen SS, commandée par Otto Skorzeny dans les Ardennes, dont le but était de prendre les ponts sur la Meuse avant qu’ils ne soient détruits. Les soldats allemands s’habillaient en uniformes pris aux Alliés et utilisaient leurs véhicules. Donc les deux pseudo-Américains ont l’intention de tuer l’enfant. Au moment de tirer, Mathias tue son camarade au lieu de la petite. Il s’enfuit avec elle dans les forêts enneigées, ils se cachent dans une cabane. Ayant vécu un certain temps au Canada comme trappeur, Matthias sait se débrouiller dans les espaces sauvages et glacés. De retour en Europe, il s’était engagé dans l’armée allemande où il est devenu une machine à tuer, un maître de la simulation, barbare d’un côté et cultivé de l’autre. Alors commence la fuite d’un soldat allemand déguisé en Américain avec une gamine juive dans une région aussi terrifiée par les Allemands que par les Américains.

La fascination qu’exerce Renée sur Mathias est difficile à expliquer rationnellement. Dès le début, elle l’a vaincu par sa force mentale, son courage, son audace. Tous les deux se ressemblent dans leur indépendance. Renée ne comprend pas ce que signifie sa judéité, mais elle ressent que cette différence pourrait lui coûter la vie. Orpheline ballotée de foyer en foyer, cachée par les uns et les autres, elle témoigne cependant d’une force de caractère hors norme. C’est d’ailleurs elle qui avait choisi Mathias dès leur première rencontre.

L’auteure nous fait pénétrer dans l’âme des personnages. Ce qu’on y trouve n’est pas toujours compréhensible. Today we live est un récit d’aventures dont les deux personnages principaux inspirent respect et émotion au lecteur. Emmanuelle Pirotte écrit bien, elle sait construire un roman dont les perspectives changent avec élégance. Malgré son sujet vraiment pas nouveau – la Seconde Guerre Mondiale– ce roman passionne, peut-être par sa ressemblance avec un conte de fées, y compris la brutalité immanente à ce genre.

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