Cluny Lecture : rencontre du 16 juillet 2019

Télécharger le CR en format word

Les deux romans examinés le 16 juillet 2019 nous ont conduits au Sénégal et en Roumanie. Helmut Meise nous a guidés de Dakar à Paris à l’époque contemporaine, Irène Drexel-Andrieu de Bucarest à Tel Aviv pendant et après la deuxième Guerre mondiale.

La prochaine rencontre aura lieu le 27 août 2019, 15 heures, à l’hôtel Steigenberger. Renate Wolf nous présentera Noyé vif de Johann Guillaud-Bahet, et Wolfgang Liebert Passé inaperçu de Gabrielle Schaff.

RUE DU TRIOMPHE, 2018, Dov Hoenig, Laffont, roman

Bernard, un jeune Juif roumain né en 1932, quitte son pays en 1947 pour aller construire l´État hébreu en travaillant dans un kibboutz. À la première personne, il raconte son enfance dans un quartier pauvre de Bucarest, sa scolarité et son engagement dans des organisations juives. Le roman se termine par le récit du voyage de Bucarest à Tel-Aviv, long et pénible, car la déclaration de guerre des Alliés contre la Roumanie occupée par les Allemands fait des Roumains des ennemis. Pour empêcher les émigrants d’accoster en Palestine, les Britanniques les emprisonnent à Chypre.

Bernard a les mêmes problèmes que les adolescents de son âge : la concurrence avec son frère aîné, la découverte de la sexualité, la perte du respect de l’autorité paternelle. Mais à cause de son identité de juif, il se trouve confronté à bien d’autres difficultés. En Roumanie, l’antisémitisme s’annonce entre les deux guerres mondiales et le narrateur, féru d’histoire et lecteur assidu de journaux, relate avec précision les différents événements historiques qui secouent le pays. Ayant retrouvé son indépendance en 1918, la Roumanie est souveraine jusqu’à ce que les Allemands, puis les Russes soviétiques, dirigent le pays. L’auteur introduit un kaléidoscope de personnages dont les destinées illustrent les retombées des décisions politiques sur la vie précaire des juifs. Pour ce faire, Dov Hoenig, âgé de 86 ans, chef monteur de son métier, construit le récit par flash, par souvenirs : le roman est « monté » comme un film.

Ce roman, en partie autobiographique, est très intéressant pour tout(e) lectrice/lecteur d’Europe occidentale qui ne connaît pas l’histoire roumaine. Le personnage principal est attachant et on aimerait bien connaître la suite de sa vie, mais dans un récit plus concis !

JE SUIS QUELQU’UN, 2018, Aminata Aidara, Robert Laffont, roman

Aminata Aidara nous introduit dans la vie d’une famille sénégalaise. Deux femmes nous racontent, chacune à la première personne, ce qui les occupe le plus dans le contexte de leur entourage. L’une est Penda, la mère, mariée très jeune contre sa volonté, qui aura plus tard son cinquième enfant avec son amant, un expert d’origine algérienne. L’autre est Estelle, la plus jeune fille de Penda et de son mari sénégalais. Le roman est cependant polyphonique. En plus des deux personnages principaux faisant office de narratrices, d’autres auteurs de lettres et de longs courriels prennent la parole, laissant au lecteur la tâche de composer une suite d’événements cohérents.

Estelle nous entretient de sa vie de jeune fille intelligente mais instable, de la découverte progressive de sa personnalité. La formule répétée en début de paragraphes « Je suis quelqu’un qui … » lui permet de se définir en toute franchise et de décider, autour de son vingt-sixième anniversaire, de « mettre de l’ordre dans sa vie ».

Penda nous ouvre son journal intime, couvrant seulement une courte période récente mais reprenant et résumant plus ou moins sa vie. Répudiée par la riche famille de son mari à cause de l’enfant né hors mariage, elle s’est installée avec trois de ses filles à Paris. Le sort de son dernier enfant reste énigmatique. Au début de la cinquantaine, Penda se présente comme une femme consciente d’elle-même, fière des filles qu’elle a éduquées seule malgré une vie matériellement modeste comme femme de ménage dans un lycée parisien. Il lui reste à régler son rapport avec son ancien amant qui s’est avéré un égoïste exemplaire mais à qui elle offre une dernière chance.

En campant une famille évoluant sur deux continents, ce roman aborde des phénomènes typiques de notre époque : l’émancipation des femmes, embryonnaire au Sénégal mais en plein essor en Europe grâce à des femmes courageuses et conscientes ; l’indépendance culturelle limitée du Sénégal qui semble toujours recevoir ses directives de Paris ; le racisme de certains milieux contre les personnes de couleur ou les métis.

Aminata Aidara est sénégalo-italienne. Elle a déjà publié des textes courts dans sa langue maternelle, l’italien, et en français. Je suis quelqu’un est son premier roman.

 

Dieser Beitrag wurde unter Cluny Lectures veröffentlicht. Setze ein Lesezeichen auf den Permalink.