Compte rendu de la rencontre du 30 octobre 2018

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Le 30 octobre, nous avons bouclé notre avant-dernière séance de travail de la saison 2018 par les comptes rendus critiques du neuvième et du dixième roman : Hubert Depenbusch a présenté La Solitude des enfants sages et Irène Drexel-Andrieu Le Courage qu’il faut aux rivières (cf. infra pour les détails). Le premier, comme beaucoup de premiers romans, imbrique un récit autobiographique dans une période historique. Il se déroule en Algérie et en France. Le second dépayse le lecteur / la lectrice en les conduisant dans un espace géographique et culturel inconnu : celui des vierges jurées en Albanie.

Nous nous retrouverons dans deux semaines pour récapituler nos lectures de la saison 2018 et choisir notre lauréat ou notre lauréate. À bientôt donc !


LE SILENCE DES ENFANTS SAGES, 2017, Martine Duquesne, La Cheminante

Martine Duquesne est née en1954 en Algérie, elle a dû quitter son pays natal avec ses parents et sa sœur cadette en 1962. Son premier roman, La Solitude des enfants sages, est un récit très émouvant sur la guerre d’Algérie en 1961/1962 et la situation des pieds-noirs en France en 2010. Le roman est marqué par des allers-retours entre ces deux époques.

Les évènements sont racontés par Angélique qui, à la mort de son père, se souvient des années où son monde d’enfant de 7 ans a basculé complètement. Elle était confrontée alors à un monde qu’elle ne comprenait que partiellement. Elle ressentait cette atmosphère de peur qui entourait les colons ainsi que les tensions de plus en plus fortes entre les partisans de l’indépendance et ceux de l’Algérie française. Les parents d’Angélique, enseignants tous les deux, reflètent parfaitement la position de beaucoup de compatriotes qui étaient persuadés d’améliorer la vie en Algérie et qui en même temps méprisaient la population locale. Pour eux, les Algériens étaient des ignorants et des fainéants.

Martine Duquesne écrit dans un style très fluide et agréable à lire. Elle alterne dialogues et parties narratives de manière équilibrée. Son langage est plein d’humour et de jeux de mots, par ex. le forgeron est un « dompteur de fer », « avec lui on a le droit de rien fer ». On peut presque entendre « les échos de ses coups » comme on peut presque sentir l’odeur des cochons. On trouve aussi quelques expressions familières, parfois argotiques, par ex. « pour vous péter à la gueule » ou « espèce de pisseuse ».

L’amitié entre Angélique et Djamila est l’expression d’un optimisme profond envers le développement d’un monde déchiré par d’innombrables conflits. C‘est un optimisme enfantin qui devrait entrer dans le monde des adultes, dans le monde des responsables politiques.


LE COURAGE QU’IL FAUT AUX RIVIÈRES, 2017, Emmanuelle Favier, Albin Michel

Le roman traite de vierges jurées, des personnes nées femme qui jurent de rester vierges et qui vivent en homme, profitant de toutes les libertés des hommes. Leur vie est dédiée au travail et au service de la communauté, d’où le respect qu’on leur manifeste. On devine que le pays où se déroule l’histoire correspond à l’Albanie contemporaine.

Les personnages principaux, Manushe et Adrian, ont des trajectoires différentes. La première a choisi d’être vierge jurée pour ne pas se marier, la seconde l’est devenue par force parce que son père voulait un fils. Adrian connaît une existence difficile. Violée, elle tue son agresseur et doit fuir son village. Enceinte, elle abandonne l’enfant après la naissance pour aller dans la capitale et y vivre en homme parce qu’ainsi la vie est plus facile. Une relation lesbienne secrète qui lui avait apporté une certaine sérénité est brutalement interrompue par le meurtre de sa partenaire. Adrian reprend à nouveau la route et fait la connaissance de Manushe dont elle va éveiller la sexualité. Après de violentes péripéties, elles vont finir par pouvoir vivre ensemble dans une grande ville. Dans leur entourage gravite une jeune femme, Dirina, dont elles ignorent que c’est la fille abandonnée d’Adrian. Dirina ressent un malaise depuis son enfance, elle recherche ses racines et sa mère biologique.

Le sujet principal du roman est en effet la recherche de l’identité, la façon dont chaque personnage se libère des conditions qui lui sont imposées pour faire le chemin vers soi-même. Le titre y fait allusion et suggère les difficultés que rencontre une rivière à traverser des montagnes et à creuser son lit pour suivre son cours, exactement comme les personnages du roman.

Emmanuelle Favier, née en 1980, a réalisé une œuvre intéressante et originale, loin des sentiers battus de l’autofiction. On sent l’attachement qu’elle porte à ses personnages et à quel point elle aimerait un « Happy End » pour Dirina. Qu’elle résiste à la tentation est à son honneur.

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