Compte rendu de la rencontre du 28 août 2018

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Nous avons examiné deux romans dont le contenu est en quelque sorte une biographie romancée.  Sébastien Spitzer a choisi un cadre historique puisque son personnage principal est Magda Goebbels (cf. supra le compte rendu critique de Marie Herford, Ces Rêves qu’on piétine).  Aure Atika, une actrice connue en France, présente sa mère dans un cadre privé et contemporain (cf. supra Mon Ciel et ma terre, présenté par Maryse Vincent). La discussion a porté d’un côté sur la part d’informations vérifiables et sur la part de fiction contenues dans chaque œuvre, et d’un autre côté sur l’intérêt à dévoiler certaines informations biographiques (a priori le travail d’un historien ou d’un journaliste) car la tâche du romancier demeure la justesse du portrait psychologique brossé. Il faut ajouter que ces deux romans sont représentatifs de nombreuses publications contemporaines s’attachant à exposer des vies privées et que par ailleurs, le thème de la deuxième Guerre mondiale n’est toujours pas épuisé en France.

Notre prochaine rencontre aura lieu le 30 octobre 2018. Nous examinerons La Solitude des enfants sages (2017) de Martine Duquesne et Le Courage qu’il faut aux rivières (2017) de Emmanuelle Favier.

CES RÊVES QU’ON PIÉTINE, 2017, Sébastien Spitzer, roman, L’Observatoire

1944, Berlin sombre sous les bombes. Magda Goebbels, née Behrend, adoptée Friedländer, divorcée Quandt, et ses six enfants vivent leurs derniers jours dans le Bunker du Führer en compagnie de la dernière garde. Retour sur tout le passé de Magda, follement ambitieuse, supprimant ceux qui peuvent lui faire ombrage, en particulier son père adoptif qui est arrêté et envoyé en KZ sans qu’elle ne s’en préoccupe. À la même période de panique générale et de sauve qui peut, une horde disparate de prisonniers fuyant les marches de la mort, à bout de forces, poussée vers l’Ouest par un reste d’armée, doit en plus affronter les nazis provinciaux et les paysans vaincus. Parmi ces malheureux se trouve une enfant, Ava, née dans un camp et qui a survécu grâce à sa faculté de se rendre invisible. Elle porte un rouleau de lettres écrites par Friedländer à Magda, transmises d’un détenu à l’autre afin que l’Histoire retienne l’horreur vécue. En troisième volet, l’arrivée libératrice des Américains qui vont croiser les Russes aux portes de Berlin. Les récits s’entrecroisent, les contrastes entre richesse et dénuement, entre amour maternel et violence insupportable donnent à ce livre courageux une densité parfois insupportable. Une lueur d’espoir pour la petite Ava permet de mieux respirer avant de fermer le roman.

S’appuyant sur des recherches journalistiques solides, Sébastien Spitzer a ordonné ses données : historiques, biographiques, photographiques. Une originalité de ce roman, pourtant un énième sur la deuxième Guerre mondiale, est d’avoir souligné le rôle des photographes de guerre pour conserver le souvenir des faits, documenter autant la libération des uns que la défaite des autres. Ces Rêves qu’on piétine est un roman historique et tragique au service du devoir de mémoire et de l’Histoire.

MON CIEL ET MA TERRE, 2017, Aure Atika, Fayard

En rendant hommage à une mère fantasque, bohème et plutôt irresponsable, Aure Atika brosse également le portrait de la France post-soixante-huitarde dans laquelle règnent les idées libertaires, le mépris des contingences matérielles et une forte consommation de drogues diverses. L’auteure ne se cache pas de livrer le témoignage d’une enfant rendu visible par l’alternance de chapitres utilisant des polices alphabétiques différentes. L’enfant témoigne, puis la femme adulte.

Ode, la mère, fréquente les milieux littéraires, cinématographiques, musicaux de Paris, se drogue excessivement. Elle s’imagine photographe, elle réalise quelques reportages confidentiels et underground. Elle part en reportage ou en cure spirituelle en Inde, laissant sa fille à la grand-mère ou à des amis. Il n’y a pas de père. Aure n’a le choix qu’entre rejet ou amour inconditionnel, souvent bafoué, surtout quand elle est petite et dépendante. L’enfant est parfois contrainte de protéger sa mère, de camoufler leur mode de vie pour éviter les critiques ou la condamnation par le reste de la société. À l’adolescence, tout en restant attachée à sa mère, Aure deviendra critique et réaliste. Dans une interview, elle reconnaît s’être construit une vie solide, avoir voulu réussir là où Ode a échoué.

Pour raconter la solitude (autant de l’enfant que de la mère) et l’amour inconditionnel de l’enfant, l’auteure utilise une écriture simple, plate, émaillé d’un certain humour dû à la candeur enfantine, caractéristique de la littérature de jeunesse. Ce roman est un témoignage touchant, sans prétention littéraire, peut-être un récit cathartique. La dernière page fait fonction d’oraison funèbre. Le roman se lit très vite.

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